mercredi 15 juillet 2009

LEGITIMITE DES NEGOCIATEURS DES CONTRATS MINIERS EN RDC

En octobre 2007 se sont achevés les travaux d’une commission ministérielle chargée d’examiner les contrats miniers signés entre les entreprises privées et l’Etat congolais ou les entreprises publiques.

Cette Commission a passé au crible plus de 60 contrats pour les répartir en trois catégories :

- « A » indiquant les contrats valides et n’ayant pas besoin d’être
renégociés,
- « B » les contrats devant être renégociés, et
- « C » ceux qui devraient être annulés.

Les résultats des travaux de la Commission, divulgués à la presse à la fin du mois d’octobre dernier, indiquaient qu’aucun des contrats examinés n’était valide dans son état actuel ; tous ont été classés dans les catégories B ou C.

Il est maintenant question de la renégociation desdits contrats.

La vraie question qui se pose actuellement, est seule de savoir :

QUI VA RENEGOCIER CES CONTRATS ET SUR QUELLE BASE JURIDIQUE CES RENEGOCIATIONS DOIVENT ELLES SE DEROULER ?

Certaines sources indiquent que la renégociation sera menée par les entreprises minières elles mêmes.

D’autres précisent qu’une commission « ad hoc » sera créée et sera composée des représentants de différents ministères, les représentants du 1er ministre, et du Président de la République.

Toutefois, le ministre des mines a précisé qu’il a été mis en place un panel dirigé par le ministre d'Etat en charge de l'Agriculture, en sa qualité de président de la commission économique et technique du gouvernement.

Ce panel comprend le ministre des Mines et son vice, ceux des Finances, du Budget et du Portefeuille ; le ministre d'Etat près le président de la République et le ministre près le Premier ministre.

Cette dernière compositions montre bien l’intérêt que le gouvernement ou du moins « L’Etat Congolais » porte sur cette question.

Tout observateur sensé remarquera qu’il s’est crée une situation « inédite » sur cette question de contrats miniers.
Et compte tenu de différentes pressions et déclarations, cette situation s’est glissée lentement vers une véritable « Cacophonie » dont les contours juridiques ne sont pas clairement définis.

Afin de chercher les bases légales et juridiques sur lesquelles les négociateurs de ces contrats miniers pourront asseoir leur légitimité, nous allons d’abord rechercher « cette légitimité » dans le code minier qui est censé encadré l’activité minière, ensuite nous examinerons le droit commun et la pratique en la matière.

I QUE DIT LE CODE MINIER SUR LA QUESTION

Le code minier ne prévoit rien sur les contrats miniers c.à.d. que l’ancien code minier prévoyait un régime particulier appelé « régime conventionnel ».

Etrangement, cet ancien régime conventionnel a été supprimé par le nouveau code minier.

Toutefois, il est prévu un certain nombre d’articles sur les cessions des titres miniers.

1- Le code minier ne prévoit rein sur le régime conventionnel et des conventions minières

Le titre III du code minier indique : « le présent code minier en raison du déséquilibre et de la discrimination engendrée par le régime minier conventionnel antérieur, a retenu un seul et unique régime de Droit commun excluant de ce fait, le régime minier conventionnel. »

En fait, ce texte nous indique clairement que le régime conventionnel n’existe pas dans le nouveau code minier.

Le titre premier, chapitre I & 3 du code minier indique « pour son application, le nouveau code minier pose le principe de l’application intégrale de toutes ses dispositions ».

Cela veut dire quoi.
Le code minier doit être appliqué intégralement, dans son ensemble sur les sujets portant sur les activités minières.

Compte tenu de ce qui précède, on peut se demander quelle est cette démarche qui consiste à mettre en place quelque chose qui n’est pas prévu par le code minier ?

A la lecture de ces deux textes, on constate qu’il n’existe plus de régime minier conventionnel ; et le code minier doit s’appliquer comme tel.

Or dans la réalité, on constate que ce régime conventionnel existe bel et bien en marge du code minier.

Autrement dit, puisque le régime conventionnel, c’est à dire les conventions minières entre l’Etat directement ou par l’intermédiaire des sociétés qui portent ses participations existe et s’applique en RDC, alors il y a bel et bien
« Un vide juridique » sur cette question.

Compte tenu de ce qui précède, nous pensons qu’avant de renégocier quoi que ce soit, il faut préalablement combler cette lacune dans le code minier.

2- concernant les cessions des Droits miniers

Plusieurs des conventions minières « épinglées » portent sur la cession des titres miniers.

Alors que dit le code minier à ce sujet :

Le titre VII, chapitre 2 & 2 du code minier dispose :
« Le présent code minier ne soumet pas la cession des droits miniers et des autorisations d’exploitation de carrière permanent, à l’autorisation du ministre, car non seulement la cession est un contrat de droit privé, mais aussi ces autorisations n’ont pas encouragé des transactions rapides et efficaces pour le développement de l’industrie minières Congolaise ».

En fait cet article indique que les cessions des titres miniers est purement privé et ne concerne pas le code minier, et n’est pas soumis à des autorisations particulières.

Cet article pose un certain nombre de problème : problème de contradiction avec d’autres textes du code, et problème d’incohérence entre le code et la pratique de l’activité minière (car l’activité minière est une activité exceptionnelle, et relève du domaine éminent et exceptionnel de l’état)

Contradiction

L’article 8 alinéas 3 du code stipule : « l’état peur également, à travers des personnes morales publiques ou des organismes spéciaux créés à cet effet, soit seul soit en association avec des tiers, se livrer à une activité régie par le présent code. Dans ce cas, les personnes morales publiques et les organismes spécialisés de l’état à vocation minière sont soumis aux dispositions du présent code au même titre que les personnes privées ».

Ca veut dire quoi.

Ca veut dire que les relations entre les sociétés et les personnes qui interviennent dans l’activité minière sont soumises au code minier.

Donc on ne peut pas d’une part dire que les cessions sont du domaine privé et ne relèvent pas du code minier et parallèlement dire que les sociétés et personnes physique qui œuvrent dans le domaine minier sont soumises au code minier.
D’ailleurs, Cette question ne devrait même pas se poser pour des raisons ci après indiquées.

Incohérence

Tel que cela a été développé dans la thèse « les activités minières et fiscalité : cas de la RDC » ;
Les activités minières en RDC sont régies par le code minier, et de ce fait c’est un domaine qui sort du Droit commun, et c’est considéré comme un domaine particulier, ou exceptionnel.

Ainsi, les problèmes et situations posés dans le cadre de l’activité minière, doivent trouver des réponses dans ce code minier.

Il est incohérent de chercher des solutions en dehors de ce code.

En outre, le dernier paragraphe du titre VII chap. II section I & 2 précité dit :
« ...mais aussi ces autorisations n’ont pas encouragé des transactions rapides et efficaces pour le développement de l’industrie minières Congolaise ».

Ce dernier paragraphe paraît incohérent, car les rédacteurs de cet article ont sans doute voulu aller très vite, mais ils ont omis de se soucier de la réalité.

Comme chacun le sait, l’activité minière est une activité qui nécessite une mobilisation massive de fonds financiers important.
Aucun investisseur qui se sentirait lésé, ne sera prêt à baisser les bras sans contrepartie.
Chercher à aller vite sans se soucier des règles juridiques augmente les risques des contentieux.

Enfin, si les conventions minières étaient prévues dans le code minier, on ne se trouverait pas dans la situation de vide juridique dans laquelle on se trouve actuellement.

En conclusion

La légitimité des négociateurs du code minier doit être recherchée dans le code minier même.

Puisque ce dernier ne prévoit pas des mécanismes de négociations et des conventions minières, il appartient au parlement d’apporter les modifications adéquates, et prévoir les mécanismes et les personnes susceptibles de mener ces genres de négociations.

II- QUE DISENT LA PRATIQUE ET LE DROIT COMMUN

En droit commun, le contrat est la loi des parties.

Ces types de contrat obéissent aux règles de droit des contrats.

Or nous sommes ici dans un domaine « éminent », « réserve » et « exceptionnel ».

C’est à dire un domaine qui déroge au régime de droit commun tel que nous l’avons indiqué ci haut.

D’ailleurs, la succession des événements posés par la renégociation des contrats miniers le montre bien.

En effet, au départ, la plupart des contrats ont été signés entre deux sociétés fussent elles publiques ou mixtes avec les investisseurs privés.

Au lieu que les signataires de ces contrats se mettent à renégocier lesdits contrats, bien au contraire, on assiste à un « ballet » médiatique sur les personnes chargées de la renégociation.

Et on assiste à la résurrection de l’Etat qui était relégué à un rang très bas dans le code minier.
Et qui revendique haut et fort sa capacité à reprendre les choses en mains, et à redonner aux congolais ce dont ils ont droit.

Mais ce réveil tardif risque d’avoir des conséquences importantes sur l’activité minière et sur le climat des affaires dans le pays.

1- le retour de la suprématie de l’état dans l’activité minière

En droit commun, la renégociation de contrats entre deux personnes morales de droit privé relève de leurs propres initiatives, à savoir, en cas de conflit, il y a des mécanismes qui sont prévues, tel que l’arbitrage, ou la saisine de Tribunaux désignés d’un commun accord entre les parties.

Or que ce qu’on assiste depuis le début de cette affaire.

On a crée une situation inédite dénommée « REVISITATION DES CONTRATS MINIERS ».

Ce processus a connu trois étapes :

- une commission a été créée pour examiner ces contrats et a rendu ses
conclusions
- les sociétés épinglées ont apporté leurs observations
- la commission tenant compte des observations des sociétés concernées a rendu son rapport final dont la conclusion est la renégociation ou la résiliation.

Et contrairement au droit commun, ce ne sont pas les sociétés minières qui négocient elles mêmes les contrats qu’elles ont signé.

Mais c’est l’Etat lui même puissance publique qui tire « les ficelles ».

Déjà on se trouve dans un Schémas pratique hors norme légale ; à savoir l’Etat s’est mêlé d’une situation dont il n’est pas censé s’en mêlé directement.

Car le code minier dans son titre premier chap. II indique : « bien qu’assumant la mise en valeur des substances minérales par l’appel à l’initiative privée, l’état a essentiellement un rôle limité à la promotion et à la régulation du secteur minier »

Par définition, promouvoir veut dire, encourager, développer la création de quelque chose, provoquer...
Et Réguler veut dire fluidifier, faciliter...

Or que ce qu’on constate, l’état reprend sa « belle robe » de puissance publique et « tape du point » sur la table en criant au scandale.

Cette situation montre d’une part que l’activité minière est une activité exceptionnelle et éminente dont l’état doit jouer un rôle majeur et non un rôle passif et amorphe tel que le prévoit le code minier.

A notre avis, l’état a raison de sortir de ses « gongs » et de se saisir de la question car le titre premier chapitre premier al 4 du code minier stipule :
« …le nouveau code minier, à l’instar de l’ancien réaffirme le principe de la propriété de l’Etat sur ces substances minérales… »

Aucun propriétaire ne peut abandonner ses biens si chers sans avoir un mot à dire sur le devenir de sa richesse.

Compte tenu de ce qui précède, nous pensons que le code minier doit être amendé de sorte à permettre à l’état d’avoir un rôle primordiale tel que proposé dans les propositions de réforme du code minier (voir à ce sujet, thèse de doctorat de Mtre NDELA » op cit.

La situation inédite créée par la renégociation des contrats miniers est bien lancée, et rien ne pourra plus arrêter ce processus qui finira par enteriner le régime minier conventionnel.

Avant l’aboutissement de ce processus, on peut déjà s’interroger sur les conséquences éventuelles de cette situation.

2- conséquences éventuelles de la renégociation des contrats miniers

Tel que nous l’avons indiqué ci haut, toute cette pratique de renégociation des contrats miniers s’opère or du cadre légal régissant l’activité minière.

Cela veut dire que le code minier a des lacunes qu’il faudra absolument remédier.

Mais quoi qu’il en soit, cette situation inédite créée pourra avoir des conséquences suivantes :

- cette situation peut ouvrir la voie à des contentieux internationaux

En effet, les sociétés minières qui sont des sociétés internationales, dès lors qu’elles se sentent lésées, elles ont les moyens juridiques et financiers pour saisir les juridictions internationales pour faire valoir leurs droits ;

Et d’ailleurs à ce titre, l’état n’a pas respecté les dispositions des recours contentieux prévus par le code :

Le titre XIV chap. V du code stipule : « le présent code reconnait aux responsables du cadastre minier ou à son représentant local, la compétence de représenter l’état tout en demande qu’en défense »

Or on est loin de l’application de ces dispositions.

Et cette volonté de résoudre les problèmes en dehors du cadre légal, n’échappera pas aux investisseurs qui sont dans la dynamique de faire valoir leurs droits par les voies de tribunaux.

- risque de création d’une situation d’insécurité pour les investisseurs

Le titre X chapitre 3 al 1 du code minier indique :
« le présent code comprend des dispositions par lesquelles, l’état congolais garantit aux titulaires des droits miniers ou de carrières, l’existence d’un bon climat d’investissement se traduisant par l’engagement exprès pris par l’état , quand aux respects des droits accordés en vertu du présent code et à l’accomplissement de ses devoirs qui en résultent »

Or, avec cette situation d’insécurité, on est loin des belles paroles d’engagements

- risque de création d’un effet de « précédent »

Cette situation de renégociation des contrats miniers risque de créer une situation de « mimétisme » à savoir créer un effet de précédent.

En effet, les autres administrations de l’état qui ont des partenariats avec les entreprises privées, peuvent se dire :
« Puisque nous l’avons renégocié nos contrats dans le domaine minier, eh bien nous allons également renégocier dans les autres domaines. »

Cette situation risque de s’avérer à la longue, très catastrophique pour l’avenir du pays, qui est dans une phase de montrer la confiance aux investisseurs.

La renégociation des contrats miniers peut se justifier du fait de la spécificité de l’activité dans l’économie du pays.

Mais ne saurait être étendu aux autres activités ;

CONCLUSION GENERALE

En guise de conclusion, nous pensons que trois mesures rapides doivent êtres prises afin de clarifier d’une part la situation en nettoyant le code minier, ensuite redonner à l’état son rôle de puissance publique, et enfin recréer un climat propice pour les investissements.

1- Afin de permettre aux négociateurs « ad hoc » de travailler dans la sérénité et dans un cadre légal, la première des choses à faire et de « nettoyer » le code minier de ses imperfections notamment, en créant des mécanismes de reconnaissance et de validation des conventions minières et en désignant des organes spécifiques pour négocier lesdites conventions minières, tout en précisant les membres de ses organes et les délais nécessaires pour réaliser les missions.

2- l’état qui est propriétaire des matières premières minérales doit avoir un rôle fort à jouer dans l’activité minière, il ne doit pas se contenter seulement à la promotion et à réguler l’activité minière.

En tant que garant de la nation, il doit intervenir efficacement soit en créant des sociétés holdings fortes susceptibles de le représenter dans ses relations d’affaires avec les investisseurs.
L’état doit en outre se doter des pouvoirs et capacités nécessaires pour négocier d’égale à égale avec ses partenaires privés.

3- Pour éviter le risque de « contageons » et de renegociation des contrats signés entre l’état et des investisseurs privés dans d’autres secteurs d’activités économiques, l’état doit donner des gages forts et sérieux aux autres investisseurs ; et il doit s’ateler à récréer un vrai climat de confiance pour les investisseurs.

NDELA Kubokoso Jivet
Docteur en Droit
Avocat au Barreau de Paris
et de Bandundu (RDC).
Professeur d'Université

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