mardi 21 juillet 2009

mercredi 15 juillet 2009

LEGITIMITE DES NEGOCIATEURS DES CONTRATS MINIERS EN RDC

En octobre 2007 se sont achevés les travaux d’une commission ministérielle chargée d’examiner les contrats miniers signés entre les entreprises privées et l’Etat congolais ou les entreprises publiques.

Cette Commission a passé au crible plus de 60 contrats pour les répartir en trois catégories :

- « A » indiquant les contrats valides et n’ayant pas besoin d’être
renégociés,
- « B » les contrats devant être renégociés, et
- « C » ceux qui devraient être annulés.

Les résultats des travaux de la Commission, divulgués à la presse à la fin du mois d’octobre dernier, indiquaient qu’aucun des contrats examinés n’était valide dans son état actuel ; tous ont été classés dans les catégories B ou C.

Il est maintenant question de la renégociation desdits contrats.

La vraie question qui se pose actuellement, est seule de savoir :

QUI VA RENEGOCIER CES CONTRATS ET SUR QUELLE BASE JURIDIQUE CES RENEGOCIATIONS DOIVENT ELLES SE DEROULER ?

Certaines sources indiquent que la renégociation sera menée par les entreprises minières elles mêmes.

D’autres précisent qu’une commission « ad hoc » sera créée et sera composée des représentants de différents ministères, les représentants du 1er ministre, et du Président de la République.

Toutefois, le ministre des mines a précisé qu’il a été mis en place un panel dirigé par le ministre d'Etat en charge de l'Agriculture, en sa qualité de président de la commission économique et technique du gouvernement.

Ce panel comprend le ministre des Mines et son vice, ceux des Finances, du Budget et du Portefeuille ; le ministre d'Etat près le président de la République et le ministre près le Premier ministre.

Cette dernière compositions montre bien l’intérêt que le gouvernement ou du moins « L’Etat Congolais » porte sur cette question.

Tout observateur sensé remarquera qu’il s’est crée une situation « inédite » sur cette question de contrats miniers.
Et compte tenu de différentes pressions et déclarations, cette situation s’est glissée lentement vers une véritable « Cacophonie » dont les contours juridiques ne sont pas clairement définis.

Afin de chercher les bases légales et juridiques sur lesquelles les négociateurs de ces contrats miniers pourront asseoir leur légitimité, nous allons d’abord rechercher « cette légitimité » dans le code minier qui est censé encadré l’activité minière, ensuite nous examinerons le droit commun et la pratique en la matière.

I QUE DIT LE CODE MINIER SUR LA QUESTION

Le code minier ne prévoit rien sur les contrats miniers c.à.d. que l’ancien code minier prévoyait un régime particulier appelé « régime conventionnel ».

Etrangement, cet ancien régime conventionnel a été supprimé par le nouveau code minier.

Toutefois, il est prévu un certain nombre d’articles sur les cessions des titres miniers.

1- Le code minier ne prévoit rein sur le régime conventionnel et des conventions minières

Le titre III du code minier indique : « le présent code minier en raison du déséquilibre et de la discrimination engendrée par le régime minier conventionnel antérieur, a retenu un seul et unique régime de Droit commun excluant de ce fait, le régime minier conventionnel. »

En fait, ce texte nous indique clairement que le régime conventionnel n’existe pas dans le nouveau code minier.

Le titre premier, chapitre I & 3 du code minier indique « pour son application, le nouveau code minier pose le principe de l’application intégrale de toutes ses dispositions ».

Cela veut dire quoi.
Le code minier doit être appliqué intégralement, dans son ensemble sur les sujets portant sur les activités minières.

Compte tenu de ce qui précède, on peut se demander quelle est cette démarche qui consiste à mettre en place quelque chose qui n’est pas prévu par le code minier ?

A la lecture de ces deux textes, on constate qu’il n’existe plus de régime minier conventionnel ; et le code minier doit s’appliquer comme tel.

Or dans la réalité, on constate que ce régime conventionnel existe bel et bien en marge du code minier.

Autrement dit, puisque le régime conventionnel, c’est à dire les conventions minières entre l’Etat directement ou par l’intermédiaire des sociétés qui portent ses participations existe et s’applique en RDC, alors il y a bel et bien
« Un vide juridique » sur cette question.

Compte tenu de ce qui précède, nous pensons qu’avant de renégocier quoi que ce soit, il faut préalablement combler cette lacune dans le code minier.

2- concernant les cessions des Droits miniers

Plusieurs des conventions minières « épinglées » portent sur la cession des titres miniers.

Alors que dit le code minier à ce sujet :

Le titre VII, chapitre 2 & 2 du code minier dispose :
« Le présent code minier ne soumet pas la cession des droits miniers et des autorisations d’exploitation de carrière permanent, à l’autorisation du ministre, car non seulement la cession est un contrat de droit privé, mais aussi ces autorisations n’ont pas encouragé des transactions rapides et efficaces pour le développement de l’industrie minières Congolaise ».

En fait cet article indique que les cessions des titres miniers est purement privé et ne concerne pas le code minier, et n’est pas soumis à des autorisations particulières.

Cet article pose un certain nombre de problème : problème de contradiction avec d’autres textes du code, et problème d’incohérence entre le code et la pratique de l’activité minière (car l’activité minière est une activité exceptionnelle, et relève du domaine éminent et exceptionnel de l’état)

Contradiction

L’article 8 alinéas 3 du code stipule : « l’état peur également, à travers des personnes morales publiques ou des organismes spéciaux créés à cet effet, soit seul soit en association avec des tiers, se livrer à une activité régie par le présent code. Dans ce cas, les personnes morales publiques et les organismes spécialisés de l’état à vocation minière sont soumis aux dispositions du présent code au même titre que les personnes privées ».

Ca veut dire quoi.

Ca veut dire que les relations entre les sociétés et les personnes qui interviennent dans l’activité minière sont soumises au code minier.

Donc on ne peut pas d’une part dire que les cessions sont du domaine privé et ne relèvent pas du code minier et parallèlement dire que les sociétés et personnes physique qui œuvrent dans le domaine minier sont soumises au code minier.
D’ailleurs, Cette question ne devrait même pas se poser pour des raisons ci après indiquées.

Incohérence

Tel que cela a été développé dans la thèse « les activités minières et fiscalité : cas de la RDC » ;
Les activités minières en RDC sont régies par le code minier, et de ce fait c’est un domaine qui sort du Droit commun, et c’est considéré comme un domaine particulier, ou exceptionnel.

Ainsi, les problèmes et situations posés dans le cadre de l’activité minière, doivent trouver des réponses dans ce code minier.

Il est incohérent de chercher des solutions en dehors de ce code.

En outre, le dernier paragraphe du titre VII chap. II section I & 2 précité dit :
« ...mais aussi ces autorisations n’ont pas encouragé des transactions rapides et efficaces pour le développement de l’industrie minières Congolaise ».

Ce dernier paragraphe paraît incohérent, car les rédacteurs de cet article ont sans doute voulu aller très vite, mais ils ont omis de se soucier de la réalité.

Comme chacun le sait, l’activité minière est une activité qui nécessite une mobilisation massive de fonds financiers important.
Aucun investisseur qui se sentirait lésé, ne sera prêt à baisser les bras sans contrepartie.
Chercher à aller vite sans se soucier des règles juridiques augmente les risques des contentieux.

Enfin, si les conventions minières étaient prévues dans le code minier, on ne se trouverait pas dans la situation de vide juridique dans laquelle on se trouve actuellement.

En conclusion

La légitimité des négociateurs du code minier doit être recherchée dans le code minier même.

Puisque ce dernier ne prévoit pas des mécanismes de négociations et des conventions minières, il appartient au parlement d’apporter les modifications adéquates, et prévoir les mécanismes et les personnes susceptibles de mener ces genres de négociations.

II- QUE DISENT LA PRATIQUE ET LE DROIT COMMUN

En droit commun, le contrat est la loi des parties.

Ces types de contrat obéissent aux règles de droit des contrats.

Or nous sommes ici dans un domaine « éminent », « réserve » et « exceptionnel ».

C’est à dire un domaine qui déroge au régime de droit commun tel que nous l’avons indiqué ci haut.

D’ailleurs, la succession des événements posés par la renégociation des contrats miniers le montre bien.

En effet, au départ, la plupart des contrats ont été signés entre deux sociétés fussent elles publiques ou mixtes avec les investisseurs privés.

Au lieu que les signataires de ces contrats se mettent à renégocier lesdits contrats, bien au contraire, on assiste à un « ballet » médiatique sur les personnes chargées de la renégociation.

Et on assiste à la résurrection de l’Etat qui était relégué à un rang très bas dans le code minier.
Et qui revendique haut et fort sa capacité à reprendre les choses en mains, et à redonner aux congolais ce dont ils ont droit.

Mais ce réveil tardif risque d’avoir des conséquences importantes sur l’activité minière et sur le climat des affaires dans le pays.

1- le retour de la suprématie de l’état dans l’activité minière

En droit commun, la renégociation de contrats entre deux personnes morales de droit privé relève de leurs propres initiatives, à savoir, en cas de conflit, il y a des mécanismes qui sont prévues, tel que l’arbitrage, ou la saisine de Tribunaux désignés d’un commun accord entre les parties.

Or que ce qu’on assiste depuis le début de cette affaire.

On a crée une situation inédite dénommée « REVISITATION DES CONTRATS MINIERS ».

Ce processus a connu trois étapes :

- une commission a été créée pour examiner ces contrats et a rendu ses
conclusions
- les sociétés épinglées ont apporté leurs observations
- la commission tenant compte des observations des sociétés concernées a rendu son rapport final dont la conclusion est la renégociation ou la résiliation.

Et contrairement au droit commun, ce ne sont pas les sociétés minières qui négocient elles mêmes les contrats qu’elles ont signé.

Mais c’est l’Etat lui même puissance publique qui tire « les ficelles ».

Déjà on se trouve dans un Schémas pratique hors norme légale ; à savoir l’Etat s’est mêlé d’une situation dont il n’est pas censé s’en mêlé directement.

Car le code minier dans son titre premier chap. II indique : « bien qu’assumant la mise en valeur des substances minérales par l’appel à l’initiative privée, l’état a essentiellement un rôle limité à la promotion et à la régulation du secteur minier »

Par définition, promouvoir veut dire, encourager, développer la création de quelque chose, provoquer...
Et Réguler veut dire fluidifier, faciliter...

Or que ce qu’on constate, l’état reprend sa « belle robe » de puissance publique et « tape du point » sur la table en criant au scandale.

Cette situation montre d’une part que l’activité minière est une activité exceptionnelle et éminente dont l’état doit jouer un rôle majeur et non un rôle passif et amorphe tel que le prévoit le code minier.

A notre avis, l’état a raison de sortir de ses « gongs » et de se saisir de la question car le titre premier chapitre premier al 4 du code minier stipule :
« …le nouveau code minier, à l’instar de l’ancien réaffirme le principe de la propriété de l’Etat sur ces substances minérales… »

Aucun propriétaire ne peut abandonner ses biens si chers sans avoir un mot à dire sur le devenir de sa richesse.

Compte tenu de ce qui précède, nous pensons que le code minier doit être amendé de sorte à permettre à l’état d’avoir un rôle primordiale tel que proposé dans les propositions de réforme du code minier (voir à ce sujet, thèse de doctorat de Mtre NDELA » op cit.

La situation inédite créée par la renégociation des contrats miniers est bien lancée, et rien ne pourra plus arrêter ce processus qui finira par enteriner le régime minier conventionnel.

Avant l’aboutissement de ce processus, on peut déjà s’interroger sur les conséquences éventuelles de cette situation.

2- conséquences éventuelles de la renégociation des contrats miniers

Tel que nous l’avons indiqué ci haut, toute cette pratique de renégociation des contrats miniers s’opère or du cadre légal régissant l’activité minière.

Cela veut dire que le code minier a des lacunes qu’il faudra absolument remédier.

Mais quoi qu’il en soit, cette situation inédite créée pourra avoir des conséquences suivantes :

- cette situation peut ouvrir la voie à des contentieux internationaux

En effet, les sociétés minières qui sont des sociétés internationales, dès lors qu’elles se sentent lésées, elles ont les moyens juridiques et financiers pour saisir les juridictions internationales pour faire valoir leurs droits ;

Et d’ailleurs à ce titre, l’état n’a pas respecté les dispositions des recours contentieux prévus par le code :

Le titre XIV chap. V du code stipule : « le présent code reconnait aux responsables du cadastre minier ou à son représentant local, la compétence de représenter l’état tout en demande qu’en défense »

Or on est loin de l’application de ces dispositions.

Et cette volonté de résoudre les problèmes en dehors du cadre légal, n’échappera pas aux investisseurs qui sont dans la dynamique de faire valoir leurs droits par les voies de tribunaux.

- risque de création d’une situation d’insécurité pour les investisseurs

Le titre X chapitre 3 al 1 du code minier indique :
« le présent code comprend des dispositions par lesquelles, l’état congolais garantit aux titulaires des droits miniers ou de carrières, l’existence d’un bon climat d’investissement se traduisant par l’engagement exprès pris par l’état , quand aux respects des droits accordés en vertu du présent code et à l’accomplissement de ses devoirs qui en résultent »

Or, avec cette situation d’insécurité, on est loin des belles paroles d’engagements

- risque de création d’un effet de « précédent »

Cette situation de renégociation des contrats miniers risque de créer une situation de « mimétisme » à savoir créer un effet de précédent.

En effet, les autres administrations de l’état qui ont des partenariats avec les entreprises privées, peuvent se dire :
« Puisque nous l’avons renégocié nos contrats dans le domaine minier, eh bien nous allons également renégocier dans les autres domaines. »

Cette situation risque de s’avérer à la longue, très catastrophique pour l’avenir du pays, qui est dans une phase de montrer la confiance aux investisseurs.

La renégociation des contrats miniers peut se justifier du fait de la spécificité de l’activité dans l’économie du pays.

Mais ne saurait être étendu aux autres activités ;

CONCLUSION GENERALE

En guise de conclusion, nous pensons que trois mesures rapides doivent êtres prises afin de clarifier d’une part la situation en nettoyant le code minier, ensuite redonner à l’état son rôle de puissance publique, et enfin recréer un climat propice pour les investissements.

1- Afin de permettre aux négociateurs « ad hoc » de travailler dans la sérénité et dans un cadre légal, la première des choses à faire et de « nettoyer » le code minier de ses imperfections notamment, en créant des mécanismes de reconnaissance et de validation des conventions minières et en désignant des organes spécifiques pour négocier lesdites conventions minières, tout en précisant les membres de ses organes et les délais nécessaires pour réaliser les missions.

2- l’état qui est propriétaire des matières premières minérales doit avoir un rôle fort à jouer dans l’activité minière, il ne doit pas se contenter seulement à la promotion et à réguler l’activité minière.

En tant que garant de la nation, il doit intervenir efficacement soit en créant des sociétés holdings fortes susceptibles de le représenter dans ses relations d’affaires avec les investisseurs.
L’état doit en outre se doter des pouvoirs et capacités nécessaires pour négocier d’égale à égale avec ses partenaires privés.

3- Pour éviter le risque de « contageons » et de renegociation des contrats signés entre l’état et des investisseurs privés dans d’autres secteurs d’activités économiques, l’état doit donner des gages forts et sérieux aux autres investisseurs ; et il doit s’ateler à récréer un vrai climat de confiance pour les investisseurs.

NDELA Kubokoso Jivet
Docteur en Droit
Avocat au Barreau de Paris
et de Bandundu (RDC).
Professeur d'Université

LES ACTIVITES MINIERES ET LA MONDIALISATION

Les activités minières et la mondialisation.


Introduction

La mondialisation dont on parle aujourd’hui est issue des politiques économiques néolibérales mises en œuvre à l’échelle planétaire depuis près de trois décennies. Elle a modifié profondément l’environnement économique et les relations du travail avec notamment un net renforcement des pouvoirs démesurés des sociétés transmatinales (STN) et la domination du secteur financier sur l’économie réelle.

Cette mondialisation néolibérale, concept et phénomène aux contours difficiles à circonscrire (I), s’est imposée presque naturellement dans le secteur minier des pays du sud en particulier (II). D’où, la série de réformes juridiques et administratives d’inspiration libérale avec pour conséquence principale l’affaiblissement de la souveraineté des Etats sous l’instigation et sur financement des institutions financières internationales dans les pays du sud (III). Ces dernières (les I.F.I) font malheureusement aujourd’hui l’objet de critiques acerbes au même titre que les réformes qu’elles ont financées. Ce qui appelle de la part de tout intellectuel averti une réflexion profonde sur l’avenir du secteur mimer dans le contexte d’une mondialisation en crise (IV).

I. La mondialisation : Une réalité aux contours difficiles à circonscrire.

La « mondialisation » est-elle un phénomène nouveau de la fin du XXe siècle ou un simple retour du processus d’internationalisation qui caractérisa la fin du XIXe siècle ? Le monde était en effet déjà très intégré à l’époque, à travers des échanges de marchandises, des mouvements de capitaux et des flux migratoires beaucoup plus importants qu’aujourd’hui. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, le développement des échanges internationaux s’accélère et entraîne des conséquences notables sur les économies nationales.

La croissance des échanges est alors régulièrement supérieure à la croissance de la production, ce qui entraîne une internationalisation de l’activité économique.
Ces échanges concernent surtout les biens agricoles et les produits primaires, les secteurs industriels restant souvent protégés, mais d’importants mouvements migratoires sont aussi contribuer à l’intégration des marchés.

Au XIXe siècle, la drastique réduction des coûts de transport constitue la principale force motrice de l’intégration des marchés de biens agricoles et industriels.
Cette intégration concerne à la fois les marchés intérieurs et les marchés internationaux .

L’intégration des marchés de capitaux est également influencée par le progrès technique… Mais l’impressionnant développement de la finance internationale ne concerne pas encore les flux de court terme. Les multinationales (au sens contemporain du terme) sont en revanche très peu nombreuses, même si Singer commence à fabriquer ses machines dans différents pays dès les années 1850 .

Dans l’après-guerre, l’interdépendance économique se développe en deux étapes. La première, 1947-1980, peut s’interpréter comme le retour de l’internationalisation par les échanges. Dans une seconde étape, à partir des années 80, l’interdépendance prend un tour nouveau et se transforme en « mondialisation », très différente par sa nature et sa portée de ce qu’a connu le monde un siècle auparavant : l’intégration économique s’intensifie et se complexifie, notamment du fait de l’accroissement de la mobilité des capitaux .

La mondialisation (ou globalisation) exprime la réalité de la dynamique du capitalisme et de l’économie libérale qui tend toujours à devenir mondiale. Elle suppose, en premier lieu, un territoire étendu et extensible, par hypothèse et théoriquement, à l’infini.

En outre, les conditions dans lesquelles les opérations économiques se découlent dans cet espace donnent l’impression de globalité (facilité d’implantation ; liberté d’établissement ; facilité de déplacement…) ; enfin, la mondialisation repose sur des liens apparents ou occultes, concertés ou non entre ces opérations. Les acteurs de cette mondialisation sont des entreprises privées qui font leur choix sans tenir compte des intérêts des pays d’allégeance ou d’implantation.

A. La mondialisation : l’institutionnalisation de l’internationationalisation.

Au mouvement d’intégration de la fin du XIXe siècle, tiré par le progrès technique, succède ainsi l’internationalisation institutionnelle de l’après guerre, soutenue par ce qu’il a été convenu d’appeler la « grande politique », à savoir le souci de l’alliance atlantique d’opposer cohérence, coopération et prospérité face au bloc soviétique . En effet, quoiqu’on dise ou en pense, la mondialisation exprime plus que l’internationalisation du XIXe siècle les deux réalités suivantes : la création d’un espace juridique et économique mondial et la gestion de cet espace à cette échelle. Cette dernière est le fait de nombreuses organisations ayant une activité normative de portée large ou universelle. On observe qu’elle se réalise progressivement et parallèlement par le biais d’organisations économiques et d’organisations juridiques qui, pour la plupart, sont des institutions spécialisées de l’ONU .

Après 1945, ce sont les politiques qui mettent en place le cadre multilatéral dans lequel le mouvement d’internationalisation trouvera un nouveau souffle.
Les institutions de Bretton Woods (Banque mondiale, Fonds monétaire international) y jouent un rôle fondamental en organisant les relations financières et monétaires pour éviter les mouvements déstabilisants des années 30, tandis que l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce fournit le cadre institutionnel d’une libéralisation progressive des échanges. A partir des années 80, la protection tarifaire moyenne des biens manufacturés dans les pays industrialisés n’est plus que de quelques pour-cents. Les pays industrialisés continuent de protéger leur agriculture (et les textiles), tandis que les pays en développement protègent leurs industries manufacturières. Cependant, malgré le rôle de la protection non tarifaire et du recours aux procédures antidumping, les politiques commerciales sont, dans les années 80, plus libérales que jamais. Dans les années 90, la libéralisation se poursuit et s’étend aux services.

B. La mondialisation : des interdépendances plus complexes.

Au-delà de l’intensification des échanges, la mondialisation se caractérise par une intégration plus profonde et plus complexe des économies nationales, qui s’explique par trois tendances : l’intégration financière, le rôle moteur des multinationales, et la diversification des sujets et des acteurs.

En Effet, les sociétés transnationales (ou multinationales) jouent un rôle important dans ce processus. Elles ont augmenté leur poids, tant dans la production que dans les échanges.

Elles contrôlent 70% du commerce mondial et 75% des investissements directs à l’étranger. On estime qu’un tiers environ du commerce mondial des biens et services correspond à des échanges intra - frimes entre filiales des transnationales. L’édition 2002 du rapport sur l’investissement dans le monde de la CNUCED recense 65000 transnationales, possédant 850000 filiales. En 2001, les filiales étrangères employaient quelque 54 millions de salariés, contre 24 millions en 1990. Parmi ces dizaines de millions d’entreprises, 500 comptent réellement et, parmi celles-ci, 100 ont une taille tout à fait impressionnante et dominent le reste. En 2000, les 100 premières sociétés transnationales non financières (le groupe vodafone, général électrique et la société Exxon Mobil occupant les trois premiers rangs) réalisaient plus de la moitié du chiffre d’affaires total et employaient plus de la moitié de l’effectif des filiales étrangères. Leur chiffre d’affaires dépasse largement le produit intérieur brut de nombreux pays de la planète.

La mondialisation repose ainsi sur les initiatives privées avec des Etats-Nations de plus en plus discrets , pour ne pas dire passifs ou complices, et une pression de plus en plus forte d’institutions statutairement interétatiques comme le fonds monétaire international, l’organisation mondiale du commerce, dont les actions viennent renforcer les politiques tendant à substituer la loi du marché aux lois de l’Etat .

II. Le secteur minier : une illustration des « Ombres » et des « Lumières » de la mondialisation.

Les considérations développées ci - avant nous ont permis de comprendre que le secteur minier fait l’objet depuis plusieurs siècles d’échanges, et transactions financières à l’échelle planétaire. Cela est d’autant plus vrai que de nombreux auteurs pensent que le phénomène de mondialisation - globalisation n’est pas, relativement au secteur minier, une nouveauté.

Au-delà des apparences de diversité au regard de la configuration géographique du monde, il y a lieu de noter que la globalisation ne semble mettre aux prises que deux mondes interdépendants (A), à savoir : le nord (monde occidental) et le sud (les pays en développement). L’approvisionnement des pays du Nord s’effectue, comme démontré ci - avant, par l’entremise des multinationales dont le rôle semble être controversé (B) spécialement dans les zones de guerre comme la République Démocratique du Congo.

Ce qui implique, ipso facto, l’intégration des activités minières dans la haute finance internationale. De là s’explique le fait que le secteur des mines ne soit pas épargné par l’actuelle crise économique et financière mondiale aux conséquences incalculables pour les économies déjà fragiles des pays en voie de développement (C).

A. L’interdépendance des pays du monde sur les matières premières minérales.

L’interdépendance des pays du monde en matières premières minérales s’explique en partie pour les raisons suivantes :

- Les pays en voie de développement produisent 32% de la production mondiale des matières premières minérales et ne consomment que 9% de cette production.

- Les pays développés produisent 45% de la production mondiale mais consomment plus de 65%. Ces derniers sont donc obligés de se procurer ailleurs les 20% manquants de leur consommation.

C’est là une situation qui ne date pas d’aujourd’hui. La recherche des sources d’approvisionnement en matières premières (notamment minérales) a en effet été à la base de la colonisation et de la conquête des « nouveaux mondes » au nom du principe de la liberté commerciale. Ce principe a été formulé dans le cadre de la politique de la consolidation des conquêtes européennes des territoires étrangers mis en œuvre principalement au XIXe siècle par les pays occidentaux et particulièrement par la Grande Bretagne. Il s’agissait en fait de l’assujettissement des mondes extra-européens, politique dont ont été les premières victimes l’Amérique centrale et du Sud. Autrement dit, l’intégration de l’Amérique devenue latine à l’économie monde européenne. Par « intégration »il faut comprendre ici l’appropriation violente et systématique par l’Europe et les colons européens des richesses minières et agricoles du continent, la destruction des civilisations en place et l’extermination des populations locales offrant le nouveau monde comme un fruit mûr pour la consommation de l’ancien.

C’est ce qu’on a appelé la théorie de la porte ouverte.

Après cette application violente de la théorie de la porte ouverte, le principe de la liberté commerciale va connaître un essor moins brutal. Il va être reconnu à la conférence de Berlin en 1885 à propos du fleuve Congo, il sera également à la base du traité de Stockholm du 3 mai 1960 qui a fondé la zone de libre échange.

1. La dépendance des pays du Nord.

La justification majeure de la dépendance des pays du Nord vis-à-vis du Sud
concernant les principales matières premières minérales est liée au niveau très élevé de la consommation dans ces pays. Cette dépendance est variée dans la mesure où elle est, selon les cas, modérée ou totale.

La dépendance en matières premières minérales est modérée pour certaines matières minérales telles que le fer, le cuivre, l’aluminium, le plomb, le zinc, l’étain, etc.…

Cette dépendance est totale pour les métaux tels que le nickel, le tungstène, le vanadium, le zirconium, etc. Ces métaux sont utilisés dans le secteur dit de « pointe » et le développement de ce secteur est indispensable pour le maintien de la puissance industrielle de ces pays.

2. La dépendance des pays du sud.

Pour comprendre la dépendance des pays du Sud en matières premières minérales, il est indiqué de préciser les raisons justifiant cette dernière.

En effet, les exigences en capital des mines modernes et de l’infrastructure attenante sont devenues si importantes que les pays en voie de développement ont énormément de mal à mettre en place des projets d’exploitation minière de grande envergure.

Par ailleurs, les pays en voie de développement comptent principalement sur l’activité minière pour financer leur développement économique.

Rappelons ici que les substances minérales sont présentes dans le sous-sol de manière diffuse dans un très grand nombre de roches, et elles se trouvent exceptionnellement concentrées dans des espèces minérales, particulières, appelées minerais. Ces derniers sont très variés et généralement associés à d’autres substances non utiles.
Toute la difficulté réside alors dans la mobilisation des moyens techniques et financiers en vue de l’extraction et de la commercialisation des minerais.

Tout ce processus est très long, très coûteux et très risqué.


Faisons observer d’ores et déjà qu’en spécialisant les pays sous-développés en producteurs des matières premières et les pays industriels en biens manufacturés, le système actuel d’organisation du commerce international met en compétition des économies quantitativement et qualitativement inégales, suscitant de la part des premiers pays cités des complexes d’infériorité multiformes qui favorisent la domination culturelle et freinent tout développement économique .

Les pays du Sud ne disposant généralement pas de la technologie et des moyens financiers nécessaires à l’exploitation des ressources minières, ils sont dès lors obligés de dépendre des pays du Nord.

C’est justement par le canal des multinationales que les capitaux en provenance du Nord sont acheminés vers le Sud.


B. Le rôle controversé des multinationales dans le secteur minier des pays du Sud.

Plusieurs termes sont utilisés pour désigner les sociétés multinationales : sociétés transnationales, sociétés supranationales, groupements multinationaux de sociétés.

Ces différences de vocable traduisent l’embarras dans lequel se trouvent les juristes pour maîtriser le phénomène des sociétés multinationales. Les multinationales sont devenues un mode d’organisation de l’économie mondiale .
A propos des multinationales, Wladimir A. a écrit : « en trente ans, tout a été écrit à leur sujet où presque. Logique, puisque toute l’économie mondiale est soumise à leur influence. Ceux qui annonçaient l’avènement du village planétaire pour la fin du 20e siècle, comme produit des nouvelles technologies de l’information et de l’internationalisation des firmes, n’ont commis qu’une erreur : d’avoir raison trop tôt. »

Il nous parait intéressant de préciser la définition des sociétés transnationales ou multinationales avant de détailler la portée de la controverse qui entoure leur rôle dans le secteur minier.

1. Définition

Le terme « société transnationale » se réfère à une entité économique ou un ensemble d’entités économiques opérant dans deux ou plusieurs pays, quel qu’en soit le cadre juridique, le pays d’origine ou le pays d’établissement, que son action soit prise individuellement ou collectivement. Les sociétés transnationales sont des personnes juridiques de droit privé avec une implantation territoriale multiple mais avec un centre unique pour les décisions stratégiques.
Elles peuvent fonctionner avec une société mère et des filiales, constituer de s groupes au sein d’un même secteur d’activité, des conglomérats ou coalitions ayant des activités diverses, s’unifier par le biais de fusions ou d’absorptions ou encore constituer des ensembles financiers (holdings). Ces derniers possèdent seulement un capital financier en actions avec lequel ils contrôlent des entreprises ou groupes d’entreprises. Ces sociétés peuvent élire domicile dans un ou plusieurs pays : dans celui du siège réel de l’entité mère, dans celui du siège des principales activités et/ou dans le pays où la société a été enregistrée.

Une autre définition, celle de la commission des sociétés transnationales de l’ECOSOC dont les travaux n’ont jamais abouti, met l’accent sur la qualité d’entreprise de l’entité, indépendamment du caractère de droit privé, public ou mixte dont elle relève. Ainsi, les STN se définissent comme :
« des entreprises( quel que soit le pays d’origine ou, le mode de propriété, à savoir qu’il s’agisse d’entreprises privées, publiques ou mixtes) qui sont composées d’entités économiques opérant dans deux pays ou plus (quels que soient la structure juridique et le secteur d’activité de ces entités), selon un système de prise de décisions (dans un ou plusieurs centres) qui permet l’élaboration de politiques cohérentes et d’une stratégie commune, et au sein duquel ces entités sont liées, que ce soit par des liens de propriété ou autres, de telle façon que l’une ou plusieurs d’entre elles puissent exercer une influence importante sur toutes les activités des autres et, notamment, mettre en commun avec ces autres entités des informations, des ressources et des responsabilités.

2. Multinationales, violations des droits humains et exploitation illicite des ressources
Minières.

Les multinationales jouent un rôle important dans la production et les échanges de sources qui se sont beaucoup développés, notamment parce qu’ils dépendent fortement des capacités d’échanges d’information. Elles constituent de véritables réseaux de production globaux et de canaux de transferts internationaux de connaissances que certains pays émergents savent mettre à profit pour accélérer leur développement.

Malheureusement, les multinationales sont également l’une des cibles principales des oppositions compte tenu de leur rôle dans l’exacerbation des inégalités entre les pays du Nord et les pays du Sud.

De nos jours, en effet, les délocalisations des entreprises dans des pays où la main d’œuvre est bon marché et où les législations sur les activités des sociétés transnationales sont moins contraignantes, inexistantes ou pas appliquées, sont monnaie courante. Les délocalisations sont une course sans fin à l’épuisement des ressources dans un pays avant de passer au prochain, et ainsi de suite. Aucune région du monde n’est épargnée : même la Chine, « cette usine du monde » les connaît, certaines transnationales migrant déjà vers d’autres pays asiatiques environnants aux coûts salariaux plus « attractifs ».

Dans le secteur minier, du point de vue strictement économique, l’impact de l’exploitation minière par les multinationales peut être positif, mais, si on envisage la question du point de vue des communautés locales, l’impact social est rarement aussi positif.

Les sociétés multinationales sont même pointées du doigt comme acteurs centraux des guerres civiles et des conflits armés internationaux. A titre d’exemple, des rapports concordants de plusieurs organismes internationaux (gouvernementaux ou non) ont fait état du fait que la guerre en RDC est motivée par le désir d’extraire les matières premières minérales. L’exploitation minière par les multinationales occidentales se fait à un taux sans précédent et il est estimé que quelques 6 millions de dollars, uniquement en cobalt brut ( un élément des superalliages essentiels aux industries nucléaire, chimique, aérospatiale et de défense) sortent chaque jour de la RDC.
Toute analyse de la géopolitique en RDC nécessite une bonne compréhension du crime organisé perpétré au moyen des multinationales. Cela permet de mieux comprendre la raison pour laquelle le peuple congolais subit une guerre interminable depuis 1996.

Dans le même registre, l’ONG internationale Human Rights Watch (HRW) a dénoncé dans son rapport de 2005 intitulé « Le fléau de l’or » la contrebande de l’or orchestrée par des fonctionnaires ougandais et des entreprises multinationales par l’intermédiaire des milices rebelles locales. C’est ce qui explique notamment le bond spectaculaire réalisé dans les importations américaines du coltan en provenance du Rwanda et de l’Ouganda pendant la période où ces pays faisaient sortir en contrebande du Congo le coltan et le cobalt.

Ce rôle ambigu joué par les multinationales aussi bien dans le pillage des ressources naturelles des pays du Sud que dans le non respect des droits économiques, sociaux et culturels des communautés locales est un véritable obstacle à l’effectivité du rôle du secteur minier comme moteur de développement économique des pays du Sud.
Qu’en est-il alors de la crise financière et économique mondiale ?

C. Les conséquences de la crise économique et financière mondiale sur le secteur minier.

Se pose ici la problématique de l’avenir des normes de gestion (cadres juridiques et fiscaux très libéraux) du secteur minier, pilier des économies des pays en développement, à l’heure de la remise en question du capitalisme libéral comme système de gouvernance de la mondialisation à travers la survenance de la crise financière mondiale. Car ,en Afrique et dans de nombreux Etats du Sud, les institutions financières internationales ont pendant plusieurs années prôné le laisser – faire en y initiant et finançant des réformes des législations notamment minières faisant la part belle au secteur privé en écartant l’Etat comme acteur majeur.

C’est là une situation fort embarrassante compte tenu du fait qu’aujourd’hui même les plus libéraux des Etats occidentaux ont admis la nécessité de maintenir et de renforcer la présence de la puissance publique dans tous les secteurs de la vie sociale, y compris l’économie. Cela implique, bien entendu, que soit repensée la philosophie ayant sous-tendu les dernières réformes juridiques des secteurs miniers dans les pays du Sud.

Quels sont alors les principaux contours de cette crise financière et économique planétaire?

La crise financière qui a éclaté aux Etats –Unis en septembre 2008, avec notamment la faillite retentissante d’une des prestigieuses banques d’affaires américaines, Lehman Brothers, des suites de la crise des prêts hypothécaires dits « subprime », est une illustration de la crise du capitalisme financier moderne dont les causes juridiques sont à chercher dans la déréglementation (ou autorégulation) et l’opacité des marchés financiers. Il est en effet constaté un effacement de la loi dans la régulation des marchés financiers, cette tâche étant confiée à des institutions spécialisées telles que l’Autorité des marchés financiers et les autorités prudentielles. Elle s’est propagée à une grande vitesse à toutes les régions du monde, et n’épargnant dans celles-ci aucun pays.

Aujourd’hui, la crise financière ne constitue plus seulement une menace pour les pays développés. Muée en crise économique, elle est devenue une réalité dont il faut absolument tenir compte dans la formulation des mesures de politique économique.

En général, au plan mondial, la crise a induit plusieurs effets :
- une dégradation des soldes budgétaires ;
- une dégradation des comptes courants ; une accentuation du chômage ;
- une restriction de la consommation des ménages ;
- un ralentissement prononcé de l’activité économique.

Selon les dernières estimations, la croissance mondiale s’est établie à 3,2% en 2008 contre 5,0% en 2007. Les perspectives de 2009 ne sont guère reluisantes. La croissance mondiale en 2009 est projetée entre – 1,0% et – 0,5%. Elle serait tirée vers le bas par les pays développés dont la croissance se situerait entre – 3,5% et – 3,0% tandis que celle des économies émergentes et en développement s’établirait entre 1,5% et 2,5%.

Principalement, trois canaux de transmission de la crise aux économies africaines, ont été identifiés. Il s’agit notamment de la demande mondiale adressée à l’Afrique (dont celle des produits miniers), de l’effondrement des cours des matières premières (produits miniers, notamment) et de la raréfaction des flux financiers (aide publique au développement, investissements directs étrangers et transferts des migrants).

En ce qui concerne la RDC, la crise financière mondiale a poussé à revoir à la baisse tout le cadre macro-économique, le taux de croissance du PIB projeté pour 2009, passant ainsi de 12% initialement prévu à 9%, soit une diminution de 3%.
L’impact négatif de cette crise va davantage se sentir (et cela est déjà visible dans le premier semestre 2009) dans le secteur minier (baisse des prix des matières premières) et des recettes de la redevance minière dans le secteur pétrolier (baisse du cours du baril sur le marché international.

Cette crise financière et économique internationale, aux conséquences incalculables dans le secteur minier, est, comme esquissé ci – avant, une conséquence de la libéralisation à outrance du cadre législatif et réglementaire des activités minières dans le monde en général et dans les pays du Sud en particulier.

III. Libéralisation à outrance des cadres législatif et réglementaire du secteur minier dans les pays Sud : inadéquation entre rôle de l’Etat et défis du développement socio-économique.

L’importance cruciale des matières premières minérales comme l’un des enjeux de la mondialisation est illustrée par l’implication des institutions financières internationales (IFI) dans la réforme des législations minières de l’Afrique dont la plupart des Etats constituent des véritables greniers des substances minérales.

Pour résumer brièvement, il est à noter que dans le contexte de l’endettement des pays du Sud dans les années 80 les mesures de redressement économique (appelées programmes d’ajustement structurel visaient à libéraliser, à privatiser et à ouvrir ces économies à l’investissement privé.

Le secteur minier fut identifié dans un rapport de la banque mondiale de 1992 comme un secteur clé pour assurer la relance économique en Afrique. Mais la banque recommandait des réformes en profondeur- dont l’introduction de nouveaux codes miniers incitatifs pour attirer l’investissement qui était vu comme le moteur de la « croissance », présentée comme synonyme du développement. Parallèlement, et comme contrepartie à l’accès aux financements pour que les pays puissent rembourser leurs dettes, les réformes n’ont pas seulement visé un « retrait » de l’Etat des secteurs productifs, mais une redéfinition en profondeur de son « rôle » et de ses fonctions – impliquant un réaménagement profond de ses responsabilités. Pour ce qui est des activités minières, selon la banque, le secteur privé devait devenir « propriétaire » et « exploitant ». Le rôle de l’Etat devait être reconfiguré pour devenir « régulateur » et « facilitateur » de l’investissement privé.

Les conséquences sociales, économiques et politiques de ces réformes pour les capacités des Etats de mettre en place des stratégies visant l’atteinte d’objectifs de développement allaient être considérables. Les implications de ces transformations sur la vie des populations des pays concernés n’ont toujours pas reçu l’attention qu’elles méritent.

Il s’en est suivi plus de deux décennies de réformes des codes miniers et des cadres réglementaires et fiscaux des pays africains riches en ressources minières.

Si les réformes ont effectivement créé un climat propice à l’investissement privé et contribué à stimuler les activités dans ce secteur, le Ghana en est un excellent exemple, ces réformes ont aussi engendré des profondes modifications en termes de capacité de régulation, de légitimité et de souveraineté des Etats. Mais un aspect de ces transformations nous intéresse particulièrement. La manière dont les mesures de libéralisation, de privatisation, de déréglementation et réglementation ont été introduites depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années n’a pas été nécessairement compatible avec les défis de développement économique et social et de protection de l’environnement auxquels faisaient face les pays concernés. Au contraire, les réformes exigées ont même pu être en contradiction avec leur contradiction.

En effet, dans des situations de capacité affaiblie de régulation (le résultat à partir de des années 80 des politiques d’ajustement structurel qui exigeaient entre autres des compressions massives des budgets publics et des capacités institutionnelles), les promesses de croissance et de développement ont, pour de nombreuses raisons mais dans bien des cas, été en dessous de ce qui avait été annoncé.

En d’autres termes, la manière dont les réformes économiques et institutionnelles extrêmement normalisées ont été mises en place à l’initiative des institutions financières multilatérales depuis la période des ajustements structurels a eu tendance à réduire la capacité des Etats locaux à surveiller la conformité à leurs lois et règlements dans des domaines qui sont essentiels au développement social et économique et à la protection de l’environnement. C’est ainsi que la banque mondiale signale dans une de ses publications ce qui suit : « Après plusieurs années de réductions budgétaires, les institutions gouvernementales ne disposent pas de ressources humaines et financières nécessaires à l’application de la loi, en particulier dans un contexte de délocalisation ».

Bref, à ce jour, les résultats découlant de la réforme du secteur minier dans la plupart des pays africains y compris la RDC , sont très peu satisfaisants sinon décevants.
A titre d’exemple, trois brèves illustrations :

1) Au Ghana la restructuration du secteur minier a engendré la perte entre 1992 et 2000 de 8000 emplois locaux, tandis que le nombre de postes d’expatriés augmentait. Ces tendances entraînant la réduction de la force de travail se sont perpétuées : 12% de moins de postes entre 2001 et 2002 – mais toujours avec une augmentation des expatriés de 238 à 241.

2) Au Burkina, le code minier le plus récent, 2003, passe sous silence l’exigence des évaluations d’impacts environnementaux dans la phase d’exploration ou encore, passe sous silence l’exigence de donner priorité à la main d’œuvre locale à qualification égale – clauses pourtant présentes dans la législation minière de 1999 déjà en vigueur au Mali.

3) Pour ce qui est des retombées financières pour le pays, le Ghana permet d’illustrer des tendances qui dépassent de loin ce pays, grâce au premier rapport de l’initiative de transparence des industries extractives (ITIE), Inception Report de septembre 2006, produit par une firme de consultants internationaux, qui faisait ressortir :
- Jusqu’à très récemment, aucune des compagnies minières ne payait de « corporate tax » (impôt sur les bénéfices) au Internal Revenue Service ;
- Aucune compagnie n’avait payé des impôts sur les gains en capital (capital gains tax) au Internal Revenue Service bien que plusieurs d’entre elles aient changé de propriétaires au cours des dernières années ;
- Il y avait des plaintes concernant les délais de paiement des redevances (royalties) aux communautés locales ;
- Et enfin, on soulignait un manque d’uniformité dans le calcul de la valeur des minerais.

Toute la situation décrite ci – avant pose la problématique de l’avenir du secteur minier aux prises plus que jamais avec les travers de la mondialisation néolibérale. Ce qui implique que soit repensé le cadre juridique de la mondialisation en tenant notamment compte des pistes de solution proposées dans les lignes qui suivent.

IV. Pour une gestion responsable de la mondialisation des activités minières.

Il ressort des développements précédents que, pendant plusieurs années, la bonne gouvernance a été synonyme de « réduction du rôle des pouvoirs publics ». Les institutions financières internationales ont prôné le laisser – faire et confiné l’Etat à ses fonctions régaliennes (avec une prédominance pour la sécurité intérieure et le contrôle des frontières).Heureusement, la crise financière a réhabilité l’Etat dans la plénitude de sa mission (classique et moderne) en convaincant les gouvernements mondiaux de la nécessité d’une présence essentielle de l’Etat dans l’économie pour éviter des dérapages inhérents à la recherche effrénée du lucre.

Cette présence de la puissance publique, indispensable pour une meilleure gouvernance de la mondialisation, doit aller non seulement dans le sens du renforcement du rôle et des capacités des Etats (spécialement ceux du tiers-monde) par le biais de la révision de la plupart des codes miniers mais aussi dans le sens de l’adoption des réglementations nationales et internationales contraignantes relatives aux sociétés transnationales.

A. Le renforcement du rôle et des capacités de l’Etat dans les pays pauvres.

A l’instar de Madame Bonnie Campbell , il y a lieu d’attirer l’attention sur un paradoxe.

Selon la commission pour l’Afrique qui a publié en mars 2005 un rapport des plus intéressants intitulé « Notre intérêt commun », les pays les plus dépendants des ressources naturelles en Afrique sont les également ceux qui affichent le données les plus critiques sur le plan du développement humain.

Mais, il y a plus. Selon la même commission, les pays dont les économies dépendent d’un seul produit de base ou de quelques-uns seulement, en particulier des ressources de valeur élevée telles que le pétrole et les autres minerais, sont souvent pauvres, ont des systèmes de gouvernance faibles et moins responsables et sont plus sujets aux conflits violents et aux chocs économiques.

A titre d’exemple, en RDC, le code minier de 2002 a, semble-t-il, manqué à sa mission de faire du secteur minier le moteur de l’économie congolaise. Pire, il a contribué à la fragilisation de l’Etat par l’émiettement de son patrimoine, devenu une propriété de nouvelles sociétés créées en joint venture avec la Gécamines. Marie Mazalto, chercheure au Groupe de recherche sur les activités minières en Afrique (GRAMA), faisait observer lors des travaux du colloque international de Kinshasa en avril 2004 que les réformes amorcées risquaient d’avoir pour effet, dans de nombreux pays africains concernés, de redéfinir les normes du secteur, dans un contexte de fragilisation des Etats, et ce principalement dans des domaines critiques pour atteindre des objectifs du développement social, économique et pour la protection de l’environnement. Atteindre les objectifs de développement devient alors une gageure.

A cet égard, il semble que certaines orientations données au code et règlement miniers de la RDC aient été élaborées afin de correspondre aux standards jugés « prioritaires » par les bailleurs de fonds. Ceci pose trois ordres de questions. Le premier concerne l’adaptation de la législation aux conditions spécifiques du pays. Le second la question de l’appropriation de ces nouvelles normes dans un contexte de division politique où le pouvoir central s’oppose aux régions qui possèdent les ressources minières, ce qui hypothèque, d’une part, le pouvoir de contrôle du gouvernement et, d’autre part, la participation des pôles miniers dans la définition même des nouvelles normes du secteur. Ceci nous amène à un troisième ordre de questions qui concerne le processus de redistribution des redevances minières sur une base décentralisée, sans assurance d’un contrôle de l’Etat central pour minimiser de possibles dérives.

Les clauses favorables au développement d’une économie nationale ne sont plus soumises à un type de droit « prescriptif », mais laissent progressivement place à un type de droit « non contraignant », basé sur des incitatifs économiques et juridiques destinés avant tout à attirer les investisseurs.

De façon plus générale, les tendances actuelles qui contribuent à la redéfinition du rôle de l’Etat par le biais de l’adoption des cadres juridiques et fiscaux de plus en plus normalisés en vue de créer un environnement favorable aux investisseurs, aux dépens cependant de la capacité de l’Etat à relever les défis que pose le développement, ne sont ni viables ni intéressantes pour les populations locales ou les investisseurs étrangers.

A long terme, la responsabilité à l’égard de la définition des codes et des normes, de la surveillance de la conformité à ces codes et normes et de leur application doit être assumée par les gouvernements locaux et les collectivités concernées.

En réalité, il s’agit ici d’un impératif qui pose la problématique de l’insuffisance ou de l’absence des ressources nécessaires pour faire le suivi et le monitoring dans un contexte d’amenuisement des moyens financiers et administratifs des pays concernés.

C’est ici l’occasion de parler des objectifs du millénaire pour le développement. Car, à plus que mi – parcours de la date fixée pour atteindre ces objectifs, 2015, il y a beaucoup d’insistances sur les efforts que doivent fournir les pays pauvres pour réduire la pauvreté de moitié d’ici cette date.

On entend plus rarement dire que si les pays riches respectaient le 8è objectif, [en ce qui concerne leurs obligations (engagements) d’allègement de la dette ; de corriger les asymétries des échanges commerciaux, notamment pour ce qui est des taux moyens des droits appliqués par les pays riches aux produits agricoles, textiles et vêtements provenant des pays pauvres ; de supprimer les subventions agricoles en faveur de leurs agriculteurs ; en matière des prix payés pour les matières premières ou des conditions dans lesquelles sont signés les contrats miniers…] , les pays pauvres renforceraient sensiblement leurs capacités institutionnelles afin que leurs interventions, même en cas de révision des codes miniers et fiscaux, soient efficaces.

Il appert en définitive que les responsabilités dans ce domaine sont partagées entre pays développés, pays pauvres et investisseurs miniers. Ce qui nécessite une plus grande solidarité internationale notamment pour la mise sur pied d’un cadre juridique contraignant à l’égard des multinationales.

B. Pour un encadrement juridique international des sociétés transnationales (STN).

Les méthodes de travail et des activités des sociétés transnationales sont déterminées par un objectif fondamental : l’obtention d’un profit maximum, en un maximum de temps. C’est le résultat, d’une part, de la logique de concurrence de l’économie capitaliste mondialisée et, d’autre part, de l’appétit illimité de pouvoir et de richesse de leurs principaux dirigeants, actionnaires et propriétaires. Cet objectif fondamental n’admet aucun obstacle et, pour l’atteindre, les sociétés transnationales, surtout les plus grandes, n’excluent aucun moyen allant de la promotion des guerres d’agression et de conflits interethniques pour contrôler les ressources naturelles à la corruption des fonctionnaires et aux violations des droits humains.

De telles méthodes sont en contradiction sont en contradiction avec le respect des droits humains en général, y compris le droit à l’autodétermination des peuples et le droit au développement. De plus, les violations des droits humains commises par les sociétés transnationales défraient la chronique depuis de nombreuses années…Pourtant, le caractère transnational des activités des STN et leur capacité d’éviter les juridictions nationales nécessitent un encadrement juridique efficace au niveau international…C’est à l’ONU non seulement d’édicter de telles normes – elles existent déjà – mais de les faire appliquer.

C’est le cas des « Normes sur la responsabilité en matière de droits de l’homme des sociétés transnationales et autres entreprises » élaborées par la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l’homme de l’ONU (SCDH).

Quelle est la quintessence de ces normes ?

Ces normes reconnaissent la responsabilité des sociétés transnationales pour leurs activités dommageables en matière de droits humains et leur imposent des conditions générales pour le respect de ces droits. Elles exigent que les transnationales « reconnaissent et respectent les normes applicables du droit international, les dispositions législatives et réglementaires ainsi que les pratiques administratives nationales, l’Etat de droit, l’intérêt public, les objectifs de développement, les politiques sociales, économiques et culturelles, y compris la transparence, la responsabilité et l’interdiction de la corruption, et l’autorité des pays dans lesquels elles opèrent ».

Les normes des Nations Unies, première tentative de définition d’un cadre normatif relatif à l’action des entreprises, constituent la base de la mise en place d’un système normatif international et universellement reconnu pour les entreprises, un ensemble de normes minimales que les lois internes adoptées par les Etats devront également refléter.

Cependant, sans un mécanisme de mise en œuvre, ces normes n’auront qu’une portée morale. Les pistes suivantes sont à privilégier :

- Les organes de traités, c’est-à-dire les sept comités conventionnels, pourraient demander aux Etats de fournir des renseignements sur les transnationales agissant à partir ou sur leur territoire. Les comités disposant de procédures de plainte devraient recevoir les cas concernant les violations des droits humains, étant donné qu’il s’agit aussi bien des droits civils et politiques que des droits économiques, sociaux et culturels.

- Les Etats devraient être encouragés à accélérer le processus d’élaboration d’un protocole facultatif au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ceci permettrait la saisine du comité des droits économiques, sociaux et culturels en cas de violation de ces droits, y compris par les transnationales.

- La sous-commission pourrait recommander aux Etats la modification du Statut de la cour pénale internationale afin de permettre sa saisine pour des violations des droits économiques, sociaux et culturels.


Conclusion

Depuis plusieurs dizaines d’années, a été mis en place à l’échelle planétaire un système d’échanges commerciaux et industriels dont le but ultime poursuivi est la levée des barrières nationales pour la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux. On a alors parlé de la mondialisation qui n’épargne aucun secteur d’activités économiques, y compris le secteur minier.

C’est ainsi qu’ont été entreprises dans le secteur minier sous l’inspiration et sur financement des institutions financières internationales (IFI), spécialement dans les pays du Sud des programmes de réforme des législations minières en les marquant d’empreintes libérales. C e qui a eu pour effet d’une part, de fragiliser l’Etat en amenuisant ses ressources fiscales (réduction des taux, exonérations,…) et en revoyant au strict minimum son rôle dans le secteur minier ; et d’autre part, de renforcer les multinationales dont les violations des droits humains défraient la chronique depuis de nombreuses années. La RDC, le Ghana, le Madagascar et bien des pays évoqués dans cette réflexion sont des illustrations de cette situation.

La réalité, triste certes mais non moins vraie, est que le système mis en place par les IFI pour accélérer la réduction de la pauvreté a, au contraire, exacerbé les inégalités entre les économies du Sud et du Nord. En plus, la crise financière et économique qui a pris naissance aux USA en 2008 a porté un coup fatal à l’hégémonie du libéralisme ainsi que ses vertus autorégulatrices du marché.

D’où, la nécessité de repenser les règles de gestion de la mondialisation en général et de la mondialisation des activités minières en particulier, notamment en réhabilitant l’Etat par le renforcement de ses prérogatives et en adoptant une réglementation internationale sur les activités des multinationales de préférence sous l’égide de l’ONU.


Jivet Ndela Kubokoso
Professeur
&
Louis Tshiyombo Kalonji
Assistant